LA POESIA DI PATRICIA GUÉNOT – VI/2007

Chêne bienveillant - Démon sournois - Érable musical - Prière à la pendule - Princesse du néant - Abécédaire amoureux -Ange de vie - Habile financier

Chêne bienveillant

Dressé parmi mes pairs à l'orée du village,

J'offre mon dais de chêne au souffle malicieux

De la brise orchestrant le concerto joyeux

De la Terre fleurie d'exaltants paysages.

J'abrite tendrement au sein de mon feuillage

Des oisillons chétifs aux tremblements anxieux,

Tandis que leurs parents défient le ciel pluvieux

Afin d'y grappiller des insectes sauvages.

J'assiste au défilé de grossiers personnages,

Des bûcherons bavards, dardant sur mon branchage

Des regards enflammés par leurs desseins vicieux.

J'héberge les amants sous mon épais ombrage

Pour que le flot fougueux de leurs soupirs soyeux

Efface les affronts des citadins odieux.

Démon sournois

Son délicieux minois de frêle sauvageonne,

Habile à décocher des regards pailletés

De diamants prometteurs d’ardentes voluptés,

Dissimule les traits d’une affreuse gorgone.

Sous sa peau satinée, sournoisement, bouillonne

Un venin vermillon dont les flots indomptés

Envahissent son cœur afin de supplanter

Les pâles souvenirs de sa vie monotone.

Quand les poignards du monstre ivre de cruauté

Lacèrent les trésors de sa féminité,

La poupée se replie dans un effroi aphone.

Dès que la mort saisit le corps ensanglanté

De la fille étendue, une étrange personne

Délivre le démon des chairs qui l’emprisonnent.

Érable musical

Érable dressé vers le ciel,

J'écoute la brise solaire

Chanter sa mélodie légère,

Perçant le silence de miel.

Bercé par les accords sériels

Que jouent les feuilles de mes frères,

J'oublie le dénouement sévère

De notre unisson démentiel.

Dans la froideur crépusculaire,

J'échappe aux instruments vulgaires

Des bûcherons pestilentiels.

Quand pointe un jour radieux, j'espère

Qùun musicien providentiel

Goûtera mes sons essentiels.

Prière à la pendule

Pendule venimeuse au tic tac hivernal,

Spectatrice assidue de mon chagrin polaire,

Tu ponctues sans répit mes rêves solitaires

De tes jambes glacées, habillées de métal.

Fièrement suspendue à un crochet mural,

Inlassable poison au pas atrabilaire,

Tu découpes ma vie en tranches éphémères

Dont l'affreux défilé ravit l'ange du mal.

Impassible témoin de mes journées amères,

Renonce à la froideur de ton masque de verre,

Pour danser sous mes yeux un ballet infernal.

Au lieu de ciseler mon ennui funéraire,

Immerge ma douleur dans un gouffre spiral,

Avant de prolonger mon bonheur idéal.

Princesse du néant

Étrange créature, issue de ma mémoire,

Princesse du néant, tu danses sur le fil

Des ténèbres glacées un boléro subtil

Dont l'insondable joie chasse mes idées noires.

Fille de l'espérance, ange prémonitoire,

Tu quittes mon esprit au mépris du péril

Pour offrir à la nuit ton sibyllin profil

De muette sylphide au visage d'ivoire.

Dans tes yeux cristallins scintillent les lueurs

De diamants insolents, imprégnés du bonheur

Que ton corps élancé trame dans la pénombre.

Sur tes cheveux de jais, les rayons argentés

D'une lune attentive à velouter les ombres

Dessinent un faisceau d'ardentes voluptés.

Abécédaire amoureux

Dans mon abécédaire amoureux, résident :

Une amazone aux envies polissonnes

Un baiser fleuri de gestes osés

Une caresse esquissée en vitesse

Un divan aux souvenirs émouvants

Un encens empreint d'espoir indécent

Un frisson à l'abri d'épais buissons

Une guitare hostile à la bagarre

Un hôtel témoin d'un aveu cruel

Une impasse où naît un rire fugace

Un jardin propice aux plaisirs badins

Une kermesse où pleure une princesse

Une lettre ornée de dessins champêtres

Une mansarde où la joie se lézarde

Une noctambule aux seins minuscules

Un orage avant-coureur d'un naufrage

Une porte ouverte aux voluptés mortes

Un quiproquo résolu illico

Un remords éteint dans un alcool fort

Un solitaire à la tristesse amère

Un téléviseur drapé de froideur

Un ukulélé au manche fêlé

Une voiture avide d'aventure

Un wagon-lit abîmé dans l'oubli

Un xérès habile à chasser le stress

Une yole au cœur d'une course folle

Un zéphyr en chemin vers l'avenir.

Ange de vie

Je suis le frais bouquet de lys et de jasmin,

Où loge un rossignol qui t’invite à la danse

Sur la place enflammée de tes secrets d’enfance,

Des diamants de bonheur semés sur ton chemin.

Je suis l’hymne aux accents de radieux lendemains,

Attentif à noyer le feu de tes souffrances

Sous les perles de joie de sa tendresse immense,

Un sésame d’espoir dans le creux de ta main.

Je suis le lac bleuté du regard intrépide

Qui dirige tes pas loin des forces du vide,

Vers le jardin soyeux d’un paisible avenir.

Je suis l’ange de vie, qui brûle ta tristesse

Dans le creuset ardent des insolents désirs

Nichés sous le marais de tes sourdes faiblesses.

Habile financier

Dans la banque cossue, l'habile financier

Reçoit aimablement les bourgeois de la ville,

Qui, prenant ses conseils pour des mots d'évangile,

Lui confient leur argent sans même sourciller.

Il accorde un crédit au riche bijoutier

Dont les diamants égaient sa maîtresse futile,

Tandis qùil éconduit d'un hochement hostile

Le chômeur endetté, interdit de chéquier.

Il oppose à l'espoir des pauvres qui défilent

Dans son bureau glacé un silence d'argile

Barbelé des secrets de ses sombres dossiers.

Il regagne le soir son douillet domicile

Où le whisky royal lui permet de noyer

Le remords menaçant son âme d'usurier.

Patricia Guénot

Patricia Guénot
Società